La présentation de l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris semble à priori aisée. Pourtant de par une histoire riche en évènements, il demeure un sujet de curiosité, un mystère, un enjeu.

L’idée d’un Institut Musulman de la Mosquée de Paris, est apparue dès 1849.

Le 19 octobre 1922 à 14 heures, le Maréchal Lyautey procédait à l’inauguration solennelle des travaux de ce qui allait devenir l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris.

C’est à des musulmans que fut confié le soin de donner le premier coup de pioche et de poser la pierre symbolique du MIHRAB de la salle de prière. Ce geste symbolique allait s’effectuer dans un enthousiasme et une ferveur indicibles, en présence des plus éminentes personnalités françaises et musulmanes venues du Maghreb, d’Afrique, d’Orient, de Turquie, d’Egypte, de Perse, d’Afghanistan et même d’Azerbaïdjan…

Ce fut un enthousiasme, car ce lieu symbolique allait concrétiser le lien et l’amitié traditionnels entre la France et l’Islam ; ferveur, surtout du fait qu’il marquait la reconnaissance de la France pour les milliers de musulmans venus de toute part et tombés sur les champs de bataille de la Grande guerre (1914-1918), notamment à Verdun, Douaumont, la Marne, le Chemin des Dames, l’Alsace et dizaines d’autres lieux consacrés par le sacrifice commun dans le but de défendre les principes de Liberté, d’Egalité et de Fraternité.

Prenant la parole ce jour là, Lyautey proclama :

« Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l’Ile de France, qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame. ne seront point jalouses ».

Ce même jour, Monsieur Paul Fleurot du Conseil de Paris déclarait au nom des élus de la capitale

« Lorsqu’en 1914, le formidable cataclysme s’abattit sur l’Europe ; lorsque la France qui avait fait l’impossible pour éviter la guerre fut odieusement et injustement attaquée, elle dut faire appel à ses enfants, à tous ses enfants ; et vous êtes témoins que les musulmans de nos départements africains ne furent pas les derniers qui répondirent à l’appel de la patrie en danger ».

« En ces heures tragiques on s’aperçut que tous les malentendus étaient dissipés… Nous ne saurions trop remercier nos frères africains de leur fidélité et de leur dévouement ».

« Nombreux sont ceux dont le sang a coulé sur les champs de bataille. Nombreux sont ceux qui ont donné leur vie pour la défense de la civilisation et c’est beaucoup en souvenir de ceux-là que bientôt s’élèvera sur cet emplacement l’Institut musulman qui, voisin de notre Panthéon, sera comme un monument commémoratif élevé à la mémoire des soldats musulmans morts pour la France ».

C’est sur le rapport d’Edouard Herriot, qu’à l’unanimité, le Parlement avait voté dans sa séance du 29 juin 1920 le projet de loi du gouvernement « en vue de la création à Paris d’un Institut musulman ».

« Si la guerre a scellé sur les champs de bataille la fraternité franco-musulmane et si plus de 100 000 de nos sujets et protégés sont morts au service d’une patrie désormais commune, cette patrie doit tenir à honneur de marquer au plus tôt, et par des actes, sa reconnaissance et son souvenir. A tous ces musulmans, quelle que soit leur origine, s’ils évoquent le nom de la France, et demandent son aide spirituelle ou son hospitalité, Paris offrira l’accueil de l’Institut Musulman, l’ombre pieuse de sa .Mosquée, le délassement des lectures dans la bibliothèque arabe, l’enseignement des conférences et enfin, ajouta-t-il, la joie
d’un foyer libre ».

La Mosquée de Paris, maison de Dieu où s’exerce le culte de l’Islam dans la plénitude de sa liberté, la pureté de son dogme et le faste de ses patios et salles de prières est un vaste ensemble occupant un terrain de près d’un hectare en plein quartier latin.

Son minaret qui domine de vastes édifices et des jardins, semble en exil au milieu des clochers et des coupoles des vieilles églises et cathédrales de Paris. C’est un émouvant souvenir de l’art andalou et le reflet d’une civilisation qui durant des siècles a jeté sur le monde un éclat incomparable. Elle est comme une perle d’Islam enchâssée dans les lumières de Paris servant de parure dans son style original et combien élégant à la capitale française. Elle représente avec un immense prestige le monde musulman dans sa vie intime, sa foi et sa
culture.

L’idée d’une fondation religieuse et culturelle à Paris revient au Sultan Abdul Hamid, l’un des plus remarquables et des plus originaux Califes de la Turquie d’avant la révolution kémaliste. Il exprima au gouvernement français son désir de créer une mosquée à Paris pour les musulmans vivant non seulement en France, mais dans toute l’Europe.

Sa demande fit l’objet d’un examen attentif. Mais, finalement le gouvernement français, après une étude lente et laborieuse, décida de prendre à son compte le projet et de doter Paris d’une institution musulmane française de portée mondiale.

C’est ainsi que la Société des Habous et Lieux Saints de l’Islam fut agréée pour mener à bien les travaux à entreprendre et gérer l’établissement futur. Mais cette association, créée en Février 1917, n’était pas habilitée, sous sa forme primitive, à s’acquitter légalement en France d’une telle mission. Il fallait pour rendre son action légale et opérante, lui donner une avise conforme à la Loi du 1er juillet 1901.

En conséquence. conformément au paragraphe 1er de l’article 3 de la délibération du conseil municipal de Paris, l’élaboration de nouveaux statuts fut décidée, ainsi que la déclaration régulière de l’association à la Préfecture, prescrite par l’article 5 de la Loi du 1er juillet 1901. Cette obligation fut remplie en date du 24 décembre 1921 (déclaration parue au journal Officiel de la République Française, le 23 février 1922, n° 53, page 2283).

C’est sous l’égide de cette association (présidée actuellement par le Recteur de l’établissement) que fut créé, géré et administré l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris, fondation pieuse, philanthropique, culturelle, autonome et politiquement neutre.

Dès sa création, l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris prenait une certaine orientation humanitaire et universelle. Ces deux justificatifs culturels et humanitaires de la naissance de l’Institut marqueront celui-ci jusqu’à nos jours.