C’est ainsi que l’exégèse prit naissance en se basant dès ses prémices, sur la transmission de l’information et le témoignage (Tafsîr mâ’thûr). Ses pionniers qui comptent parmi les parents et des plus intimes compagnons du Prophète furent à la fois des initiateurs et des fondateurs d’Ecoles, à La Mekke , à Médine et à Al Basra.

Chaque École comptait des maîtres, des disciples et disciples de disciples appelés Tâbi’ûn wa Tâbi’ û-t-Tâbi’în.

Tout en utilisant comme référence le Coran, les explications données par le Prophète de son vivant, la langue arabe, la poésie ancienne, les circonstances de la révélation, la modification de certains versets, quelques-uns de ces commentateurs ne manquaient point d’user à l’occasion, mais très prudemment, d’un effort spéculatif (ijtihâd) très timide, mais qui servait, néanmoins, de préfiguration à l’exégèse d’après l’opinion personnel ou Ra’y. Ajoutons et c’est très important qu’à ce stade de sa formation le Tafsîr était, en chacune de ces trois Écoles, essentiellement oral… II était enseigné par des maîtres à un auditoire de plus en plus élargi, qui formaient des disciples, lesquels transmettaient oralement l’enseignement reçu de leurs maîtres à leurs propres disciples comme il vient d’être dit.

1) L’École de la Mekke

’Ibn ’Abbâs, son fondateur (m. en 68/688) était le cousin et pupille du Prophète. II compte parmi les maîtres de la dynastie abbasside grâce à laquelle son autorité sera plus tard prépondérante en matière d’exégèse et de Tradition (Hadith). L’effort spéculatif est, chez lui, à peine notable, mais son recours aux sources bibliques fut Si fréquent qu’il fut jugé ultérieurement comme excessif. Ses informateurs furent pour le Christianisme ’ Abû Jalâb, et pour le Juddaïsme, des docteurs de la loi judaïque convertis (’Ahbâr), comme Ibn Sallâm et Ka’b-I-Ahbâr. Si on peut relever dans leurs commentaires de très rares emprunts à la Halakha , partie casuistique du Talmud et à la Michna , par contre la Hagada , la haphtara, les Methourgamon, les Midrashim, les Sira et les Meguileth Hassidim sont largement mises à contributions. A ceux qui leur reprochaient de faire appel, malgré les réserves du Prophète, aux sources juives et chrétiennes, ils objectaient :  » La réserve du Prophète concernait les scripturaires restés juifs et chrétiens. Nous faisons appel à de hautes autorités des Écritures devenues musulmanes. « 

’Ibn ’Abbâs sera la référence principale d’Al Bukhârî, Muslim, Nasâ’î, ’Ibn Mâja, etc. Il eut de nombreux disciples parmi lesquels on peut noter le Médinois Mujâhid (m, 104/723), le Yéménite Tamûs (m. 106/725). Le Tafsîr publié sous le nom d’Ibn ’Abbâs (Le Caire) (1393/1972) par AI Qamhawi et Muhammad ’Isa est réputé apocryphe.

2) L’École de Médine

Son fondateur fut ’ Ubay-l-’Ansârî (m. 28/648 ?). Parmi ses disciples notoires on peut citer l’iranien ’Abû-l-’Âlya (m. 90/709) et de nombreux Médinois comme ’Abu Ja’far-r-Râzi, Wâki, Ka’b-l-Qurabi, Zayd b’Aslama, sources dont Ibn Hanbal a usé et parfois abusé avec sa théorie des « traditions » réputées connues (Hadîth mashhûr).

3) L’École d’ Al Basra, dite École de l’Iraq

Elle se réclame de celui qui fut surnommé le Sadr-t-Tafsîr (Le coeur de l’exégèse), ’Ali b. Abî Tâlib (m. 40/661) et de ’Abdallah ’Ibn Mas’ûd (m. 32/665) qui était un Arabe bédouin de Muzar et qui fut le premier à prêcher l’Islam publiquement à La Mekke , au début de l’apostolat. Injustement exclu par ’Uthman, comme du reste ’Ali et d’autres compagnons du Prophète, de la Commission des experts chargés de la recension (jam’) définitive du Coran, (et ce pour des raisons strictement personnelles), ’Abdallah b. Mas’ûd passait pourtant pour le meilleur connaisseur du Coran par coeur et le plus sûr rapporteur de tradition (Hâdith). L’École de Al Basra surnommée aussi École de l’Iraq, sera après ’Ali et ’Ibn Mas’ûd, animée par leurs disciples dont les Tafâssîr étaient essentiellement oraux et dont on peut citer Marzûq ’Abu ’ Aysha (m. 63/683), AI Aswad-n-Nakhâ’ i (m. 74/693), ’Abu Ismâ’ iI-I-Murra-I-Hamadâni (m. 76/695), ’Amir-sh-sha’ bi AI-Yamani (m. 109/728), AI Hasan-I-Basrî (m. 110/728), Qatâda ’Abû-I-Ithattâb (m. 117/736), ’Alqama b. Qays-n-Nakhâ’ i (m. 162/779), etc. Des événements importants d’ordre politique et religieux d’abord, intellectuel et ethnique ensuite, survenus dans la deuxième moitié du premier siècle de l’Hégire (2e moitié du VII siècle, aprés J. C.) devaient avoir un impact décisif sur les références de l’exégèse et ses perspectives pour ouvrir la voie à de nouvelles orientations, autant dire à une étape.