Les principes de base « Maintenez-vous fermement au lien de Dieu et ne vous divisez pas. Rappelez-vous le bienfait que Dieu vous a accordé en unissant vos cœurs afin que vous deveniez frères, alors qu’auparavant vous étiez opposés. » (Coran 111, 103).
ARTICLE 1 :
Face aux défis de la modernité et aux mutations du monde, la communauté musulmane veut affirmer sa conviction que seules des institutions représentatives librement conçues et organisées par et pour elle, lui permettront de réaliser ses légitimes aspirations spirituelles et culturelles. Grâce à ces institutions, elle sera à même de mieux favoriser le progrès moral de ses membres, l’avenir de la vie cultuelle de ses jeunes, d’organiser la solidarité envers les déshérités, de participer à la lutte contre les fléaux sociaux et d’éviter les dérives politiques et idéologiques dommageables pour elle ou pour l’intérêt national.
ARTICLE 2 :
Les Musulmans vivant en France ont des origines diverses, mais ils ont vocation à s’unir et à s’organiser, en respectant la pluralité de leurs sensibilités, qui est une richesse.
ARTICLE 3 :
L’Islam est un message universel fondé sur le Coran et sur la Tradition du Prophète Muhammad (SAWS). Les Musulmans de France veulent trouver dans leur patrimoine spirituel et culturel, les clefs pour vivre en harmonie au sein de la communauté nationale, et pour faire face aux problèmes particuliers qui se posent à eux.
ARTICLE 4 :
La cohésion sociale et l’unité nationale de la France ne sont pas fondées sur une ethnie ou une religion, mais sur une volonté, celle de vivre ensemble et de partager les principes de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, et les valeurs républicaines. Les Musulmans vivant en France, qu’ils soient français ou étrangers, y vivent par choix et sont conscients que leur participation à la communauté nationale leur donne des droits et leur impose des devoirs.
Les valeurs spirituelles et éthiques
« Aussi avons-nous fait de vous une communauté du juste milieu afin que vous témoigniez des hommes et que l’Envoyé témoigne de vous. » (Coran II, 143)« Que soit formée de vous une communauté qui appelle au bien, recommande la bonne action et réprouve ce qui est blâmable. » (Coran III, 104)
« Nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous connaissiez les uns les autres. » (Coran XXXXIX 13)
« Cherchez la science du berceau jusqu’au tombeau. » (Hadith nabawî)
ARTICLE 5 :
Parmi les valeurs universelles dans lesquelles les Musulmans se reconnaissent, la présente charte veut mentionner particulièrement celles qui guident les rapports des Musulmans avec la société dans laquelle ils vivent.
ARTICLE 6 :
L’Islam, religion de connaissance et de et fraternité, de pardon et de justice sociale est ouverte à tous les hommes et à toutes les femmes, quels que soient leur origine, leur richesse, ou leur degré de savoir.
Son credo fondamental est la foi en Dieu, en son unicité absolue, la confiance absolue en Lui, la croyance au Message du Prophète Muhammad et des Prophètes qui l’ont précédé. Il appelle à un comportement moral s’inspirant de la conduite exemplaire du Prophète Muhammad (SAWS).
ARTICLE 7 :
L’Islam encourage la science, honore les savants et combat l’ignorance, condamne le vice et magnifie la vertu. Il constitue un message de paix et une incitation au perfectionnement moral. Il convie ses fidèles à lutter pour le triomphe du Bien sur le Mal, et de la fraternité sur la haine. Il est l’annonce d’une bonne nouvelle pour l’au-delà adressée à tous ceux qui craignent Dieu et un avertissement à ceux qui pour un plaisir ou un intérêt éphémères, violent les lois éternelles.
ARTICLE 8:
L’Islam est depuis toujours une religion de la connaissance : « Cherchez le Savoir, du berceau jusqu’au tombeau » avait dit le Prophète (SAWS). La présente charte rappelle l’importance de l’éducation et de l’enseignement pour les garçons comme pour les filles, et exhorte les musulmans à chercher constamment à mieux connaître leur religion et le monde qui les entoure.
ARTICLE 9:
La communauté musulmane est invitée dans le Coran à être une « communauté du juste milieu ». La mesure, la modération, la douceur, les vertus de patience, de charité, d’amour et de pardon sont les fondements de la piété musulmane. En conséquence, les solutions aux problèmes qui se posent à la communauté doivent être recherchées par les voies du dialogue et de la concertation.
ARTICLE 10 :
L’Islam appelle à la justice et à la solidarité sociales. Les actions qui y concourent sont recommandés dans le Coran avec une telle insistance qu’elles apparaissent comme des devoirs sacrés, prioritaires. Les musulmans doivent donc être parmi les premiers citoyens à participer avec constance et générosité aux efforts de solidarité nationale.
ARTICLE 11 :
L’Islam prône la tolérance et combat le racisme, la xénophobie et les discriminations de tout ordre.
ARTICLE 12 :
L’Islam est dans son essence une religion de paix et de non-violence. Ses fidèles ont pour devoir de favoriser la sauvegarde d’un climat de sérénité et d’union, propice au développement de la prospérité et à l’épanouissement de la vie spirituelle.
ARTICLE 13 :
L’Islam appelle au respect de la dignité de l’homme. Il refuse toute forme de discrimination et d’exploitation. Il ordonne le respect de la vie humaine.
« C’est Dieu qui donne la vie et c’est Dieu qui la retire. »
Il condamne tout ce qui peut dégrader la personne, affirme la valeur de la pudeur, de la maîtrise de soi et du respect d’autrui.
L’organisation d’institutions représentatives
« O vous qui croyez, obéissez à Dieu, obéissez à l’Envoyé et à ceux d’entre vous qui commandent. » (Coran IV, 59)
« La conduite de leurs affaires est le fruit de leur concertation. » (Coran XLII, 38)
« En vérité, les mosquées sont à Dieu, n’y invoquez personne d’autre que Lui . » (Coran LXXII, 18)
ARTICLE 14 :
La pratique du culte musulman en France implique l’existence de mosquées dans lesquelles les fidèles peuvent accomplir dignement leurs obligations cultuelles. Ils y sont accueillis sans distinction de nationalité, de langue ou d’école de jurisprudence.
Lieux de prière et de recueillement, les mosquées doivent être tenues à l’écart des activités partisanes et des polémiques politiques pour préserver leur respectabilité et leur caractère sacré inviolable.
ARTICLE 15 :
Soucieuse également de respecter la loi républicaine (Article 25 de la loi du 9 décembre 1905) la présente charte engage la communauté à préserver l’apolitisme et la neutralité des mosquées.ARTICLE 16 :
L’édification des mosquées incombe aux Musulmans. Ils s’organisent en Associations légalement constituées.
ARTICLE 17 :
L’Organisation de la vie cultuelle est du ressort d’une commission cultuelle permanente, issue du Conseil prévu à l’Article 26.
ARTICLE 18 :
Les fonctions des mosquées
Sur la base de ces principes clairs, les mosquées assument plusieurs fonctions communautaires :
Fonction religieuse :
Elles assurent la célébration de la prière, la lecture et l’étude du Coran, la collecte de la zakat.
Fonction culturelle :
Elles veillent à l’organisation de cours et de conférences pour la diffusion de la culture musulmane et assurent symboliquement la visibilité de l’Islam dans la communauté nationale.
Fonction de formation :
Elles assurent l’enseignement du Coran, de la Sunna, de la jurisprudence, de la théologie et de la culture musulmanes, l’initiation à la religion, et dispensent des cours sur la doctrine et l’éthique.
Fonction sociale :
Elles viennent en aide aux démunis, concourent au soutien moral des familles et coordonnent les activités des aumôniers.
ARTICLE 19 :
Les mosquées apportent leur concours à l’organisation du pèlerinage et au contrôle des circuits de production et de distribution de la viande halal. Elles assurent l’aumônerie, les rites funéraires et toutes célébrations religieuses.
ARTICLE 20 :
A l’échelon de chaque mosquée, l’imam dirige la prière rituelle (salât) cinq fois par jour, organise les prières spéciales et assure la prédication hebdomadaire de la prière du vendredi.
Outre la direction de la prière, son rôle est également pédagogique : il veille à l’enseignement du Coran et de la Sunna, dispense l’éducation religieuse. Il consacre une attention particulière impliquant un effort constant de réflexion et de recherche, à une autre fonction sensible et précieuse pour les fidèles : trouver des réponses appropriées aux questions liées aux aspects juridiques ou rituels de la vie des musulmans au sein de la société française ; des réponses compatibles avec les exigences de la foi et respectueuses des lois de la République et des réalités de l’environnement social. L’imam doit avoir un comportement moral et social exemplaire, posséder une formation reconnue et une bonne connaissance de la langue française, s’informer sur les problèmes sociaux, familiaux et individuels de sa communauté, maintenir en toute circonstance, notamment sur le plan politique, la réserve inhérente à sa charge et à la séparation des cultes et de l’Etat.
ARTICLE 21 :
L’imam est responsable du local officiel du culte musulman. Il doit entretenir dans les domaines qui le concerne des rapports avec les pouvoirs publics et les représentants des autres cultes. Il est nommé par l’autorité compétente qui représente la communauté.
ARTICLE 22 :
A l’échelon de chaque région, une Conférence des Imams présidée par un Muphti régional ou à défaut par le doyen d’âge le plus compétent et le plus expérimenté sera l’organe régional de concertations et de propositions.
ARTICLE 23 :
Une Conférence nationale réunit les Présidents des Conférences régionales, les Muphtis régionaux de France. De concert avec la Commission cultuelle permanente issue du Conseil, elle a pour rôle de :Assurer la coordination des activités cultuelles, en particulier la fixation des dates des fêtes religieuses du calendrier musulman ;
Superviser l’activité des imams ;
Délivrer des avis jurisprudentiels, lorsque des situations nouvelles se présentent.
ARTICLE 24 :
L’émergence de l’Islam de France et son insertion normale dans la communauté nationale au même titre que les autres cultes, est conditionnée par l’existence d’institutions représentatives auprès des Pouvoirs Publics et des autres représentants de la société française.
ARTICLE 25 :
La structuration communautaire se fera sur la base de deux principes essentiels recommandés par le Coran : l’appel à l’union (al-ittihâd) et la nécessité de la concertation qui sont en tout point compatibles avec les exigences démocratiques et les principes des Droits de l’Homme.
ARTICLE 26 :
Le Conseil Représentatif des Musulmans de France est l’organe représentatif de la communauté musulmane au niveau national. Il est dirigé par un Président et un conseil d’Administration.
L’Islam et la République
« Dieu veut rendre non pas difficile mais facile pour vous l’accomplissement des obligations religieuses. » (Coran II, 185)
« L’amour de la nation est une forme de la foi. » (Hadîth-nabawî)
ARTICLE 27 :
Les musulmans ont su à maintes reprises, par le passé, montrer leur attachement à la République , jusqu’au sacrifice suprême. Les innombrables tombes de nos cimetières militaires frappées du Croissant sont là pour en témoigner.ARTICLE 28 :
La construction de l’Institut Musulman de la Grande Mosquée de Paris, par delà sa dimension cultuelle et culturelle rappelle à tous le souvenir de ces musulmans de toutes origines qui, au cours de la première guerre mondiale, ont fait don de leur vie pour que l’intégrité territoriale de la France et les valeurs de la République soient préservées. Cette institution est en même temps le symbole et le témoignage vivant de la volonté de la France d’intégrer dans le patrimoine national cette composante musulmane devenue essentielle puisque l’Islam est désormais la deuxième religion de France par le nombre de ses fidèles.
ARTICLE 29 :
La communauté musulmane, à l’instar des autres familles spirituelles du pays, entend affirmer son identité et assurer la défense de ses valeurs dans le cadre des lois républicaines.
ARTICLE 30 :
Prenant acte de ce que la laïcité implique la neutralité religieuse de l’Etat, les musulmans de France, fidèles à la tradition musulmane la plus authentique, se démarquent de tout extrémisme et témoignent de leur attachement à l’Etat qui, conformément à la loi, assure la liberté de conscience, et garantit le libre exercice des cultes et traite tous les cultes de façon équitable (article 1 de la loi de 1905).
ARTICLE 31 :
L’émergence de l’Islam comme un des principaux cultes pratiqués en France date de la seconde moitié du vingtième siècle, bien après la loi de 1905 et les textes et aménagements pratiques qui ont facilité son application en tenant compte des problèmes spécifiques à chacun des principaux cultes ayant droit de cité dans le pays. Dans l’esprit des règles d’équité entre toutes les confessions dont la société et l’Etat français s’honorent, les Musulmans attendent qu’une conception compréhensive des modalités d’application de la loi permette à leur culte de s’y intégrer harmonieusement à son tour, comme tous les autres cultes. Cela appelle notamment de la part des Pouvoirs Publics des mesures facilitant, là où cela s’avère nécessaire :La construction de lieux de culte.
La création d’aumôneries dans les écoles, les armées, les hôpitaux et les prisons.
De carrés musulmans dans les cimetières.
D’écoles privées sous contrat d’association.
ARTICLE 32 :
Les musulmans de France, en communion avec les croyants, entendent oeuvrer au développement d’une expression de la laïcité qui instaurerait entre les religions et l’Etat une situation de concorde.
ARTICLE 33 :
Membres à part entière sur le plan spirituel du vaste ensemble culturel et religieux de la « ummah » islamique, les musulmans de France ne sont pas moins conscients des liens privilégiés les liant à la France , qui est pour beaucoup d’entre eux patrie de naissance ou d’élection. Par-delà la diversité de leurs origines ethniques, linguistiques et culturelles, les musulmans de France entendent œuvrer à l’émergence d’un Islam de France, à la fois ouvert sur le monde musulman et ancré dans la réalité de la société française. Ne se réclamant d’aucune autorité religieuse étrangère particulière : les musulmans de France concourent à l’expression d’un Islam qui permet de vivre profondément le message coranique dans un rapport serein à la culture française.
L’Islam et les autres religions
« Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté ; mais Il a voulu vous éprouver par le don qu’Il vous a fait. Rivalisez entre vous dans des bonnes actions. Votre retour, à tous, se fera vers Dieu. C’est alors qu’Il vous informera sur vos différends. » (Coran V, 48)
ARTICLE 34 :
Conformément au message universel du Coran, l’Islam reconnaît la succession des prophètes et la validité des messages antérieurs. Les musulmans partagent avec les juifs et les chrétiens les mêmes valeurs spirituelles issues du monothéisme abrahamique. L’Islam appelle à la reconnaissance réciproque des religions dans l’adoration du Dieu unique et incite les croyants à oeuvrer ensemble dans la société humaine pour le bien de tous.
ARTICLE 35 :
L’Islam encourage le dialogue inter-religieux, « de la façon la plus courtoise ». Puisqu’ « il n’y a pas de contrainte en religion », les musulmans de France veulent simplement témoigner de leur foi par la bonne parole et l’exemple et rejettent toute forme de prosélytisme intempestif.
ARTICLE 36 :
Les musulmans ont le souci de préserver les principes spirituels et éthiques de leur religion et ils font part de leur vigilance devant toute forme de dérision et de désacralisation des valeurs universelles. Ils rappellent que la liberté de pensée doit s’accompagner du sens des responsabilités et du respect des convictions d’autrui.
ARTICLE 37 :
Les Musulmans de France veulent participer à la réflexion contemporaine dans tous les domaines de la pensée et de l’éthique. Ils entendent apporter leur contribution, dans le respect réciproque des valeurs afin de trouver des solutions aux problèmes qui se posent aujourd’hui à l’humanité et de promouvoir un esprit de tolérance, de paix et de solidarité.
Commissions "Charte"
Commissions "Charte" issues du conseil des sages du Conseil Consultatif des Musulmans de France le 8 janvier 1994.
Commission de Théologie
Dr. Dalil BOUBAKEUR
Cheikh Abdelmadjid CHERIF CHABARAKA
Abdelhamid CHIRANE
Touhami BREZE
Mohamed GUEROUI
Moussa ABDELLATIF
Ahmed BABA MISK
Commision Juridique
Zoubir SALHI
Ramdane BECHOUCHE
Sadok KHORSI
Amar BELLOUCIF
Salah BENMAHMOUD
Commission Société
Rabah DRAMCHINI
YASSINE (Scouts Musulmans)
Kamel MANSOUR
Abdelmadjid DABOUSSI
Embarrek KARI
Hamlaoui MEKACHERA