Cérémonie 98ème Anniversaire de l’Armistice
du 11 novembre 1918
Grande Mosquée de Paris
Mardi 8 novembre 2016
Discours du Docteur Dalil BOUBAKEUR
Recteur de l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris
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Messieurs les Représentants des Corps Constitués
Excellences
Messieurs les Représentants des Anciens Combattants
Mesdames, Messieurs, Chers Amis
Conformément à sa tradition et fidèle à ses engagements la Mosquée de Paris est heureuse de vous souhaiter une cordiale bienvenue et de commémorer avec vous ce 98ème glorieux Anniversaire du 11 novembre 1918. Nul ne peut oublier au-delà des décennies que cet Armistice mit fin à la plus terrible des guerres mondiales que l’humanité ait connues jusque là.
Que dire des violents affrontements qui firent découvrir une humanité nouvelle dont la cruauté, les inventions mortifères et l’acharnement épouvantable fauchèrent tant de générations de jeunes et vaillants patriotes à leurs proches, à leurs enfants et à la nation tout-entière.
Irrémédiablement les morts, les blessés, les mutilés innombrables, mêlèrent leur sang, leurs terribles souffrances et leur détermination implacable devant le feu, les gaz toxiques, les atteintes physiques, psychiques irréparables de ce cataclysme historique devenu un enfer et une tragédie à ne plus recommencer. Et pourtant ….
Si une grande leçon pouvait être tirée de ces évènements qui meurtrirent le monde et l’humanité, c’est peut-être et même surement le sentiment d’un attachement inaliénable de ces volontaires venus au secours d’une France alors menacée dans sa liberté et ses valeurs, mais devenue aussi une patrie et une terre d’asile et d’union fraternelle.
Rappelons-nous :
C’est en effet en juillet 1903 que le futur Ministre de la Guerre Adolphe Messimy établissait la Conscription obligatoire et l’Engagement pour des années de jeunes musulmans d’Algérie sous le Code l’Indigénat. C’est le Gouverneur Général Jonnart, inspiré par le Général Paul Azan, qui fut chargé d’organiser et d’appliquer ces dispositions obligatoires. Le Colonel Mangin n’y trouva que des avantages pour la métropole.
C’est ainsi qu’allaient s’épanouir dès 1912 sur le sol Français en plus des tirailleurs, d’autres unités musulmanes dans une mobilisation massive d’unités musulmanes constituant d’importants corps d’infanterie, de spahis, de cavalerie, de goumiers, des compagnies d’artillerie, du génie, des thabors, des zouaves etc…. Le système se généralisera au Maghreb et dans toute l’Afrique et même au Levant.
On a pu dénombrer 53% d’Algériens, 29% de Marocains et 19% de Tunisiens selon les archives officielles du SHAT (Service Historique de l’Armée de Terre) n°7N4.133 de l’Etat Major.
Certaines unités comme la troisième compagnie de Tirailleurs ont pris comme devise : « JUSQU’A LA MORT ». Pour le 7°régiment : « LA VICTOIRE OU LA MORT », et « QUI S’Y FROTTE S’Y PIQUE ». La détermination des combattants fut sans faille. La fraternité des armes y gagna et avec la langue et des usages du pays allait se préparer une nation victorieuse et plus forte de par sa diversité.
Malgré tout cela, ces engagés héroïques ne pouvaient sauf exception dépasser le grade de Lieutenant. Mais tous ont droit à notre reconnaissance sans borne pour leur bravoure et leur sacrifice devant l’ennemi.
C’est le Lieutenant Charles PEGUY, mort au combat le 5 septembre 1914 (39ème jour de la guerre) à la tête de la 19° Compagnie de la Marne, qui déclara fièrement le sort du soldat au combat : « Celui qui est désigné doit marcher ! Celui qui est appelé doit répondre ! C’est la Loi, c’est la règle, c’est le niveau des vies héroïques, c’est le niveau des vies de Sainteté ».
Les auteurs (MEYNIER & LAVAL), qui rapportent l’histoire de PEGUY concluent : « Cet instant décisif de notre histoire fut unique. Et jamais la France de « l’Union Sacrée » ne rallia tant de patriotisme le plus intransigeant. Les antimilitaristes réclamaient des fusils, les socialistes votaient les crédits de guerre et le grand marxiste Jules Guesde fraternisait avec le très catholique Albert de Mun ».
Ainsi la France unie au delà du fleuve de morts dont parlait Michelet, cette France qui connut vingt siècles de rois, vingt siècles de peuples unis par le sang et par les larmes, allait mesurer son destin sur les rives de la Sambre et de la Meuse, dans les forêts de la Soigne ou les défilés de l’Argonne. Comme à Monthyon où périt Charles Péguy.
Deux ans, plus tard en 1916, c’est à Verdun : Fleuris, Fort de Douaumont, Bois des Caures, Fort de Vaux, Cote 304, Mort-Homme, Souville.., c’est là que le destin de la France se joua sous la responsabilité de Mangin à la tête de ces braves musulmans qui prirent Douaumont et stoppèrent l’avancée du Kronprinz.
Lorsque les cérémonies de Verdun nous réuniront tous bientôt, nous évoquerons l’histoire héroïque de ces soldats musulmans morts pour la France. Que leur mémoire inspire notre jeunesse et les générations futures. Car ce qui nous unit est tellement plus fort que ce qui nous divise.
Wa Salam Aleïkum.
